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Le changement climatique vu depuis le vignoble de l'Abbaye de Lérins

Le changement climatique vu depuis le vignoble de l'Abbaye de Lérins

Parmi les éléments que le vigneron ne maîtrise pas : le climat. Or, le changement climatique fait de moins en moins de doutes.

Si nos vignobles ne sont pas directement menacés de disparition (nous ne nous laisserons pas faire !!), il s’avère indispensable de penser dès maintenant aux solutions et outils pour s’adapter au nouvel environnement climatique.

 

La première question des amateurs de vin concerne généralement les cépages. Ces derniers sont souvent associés à une appellation, ou une région, dans laquelle ils s’épanouissent. Les mêmes cépages pourront-ils continuer à être cultivés aux mêmes endroits ? La crise climatique va-t-elle redéfinir les appellations et leurs identités si chères aux œnophiles. 

 

Pour répondre à ces questions, nous allons faire quelques détours ; le premier, en nous attardons sur les maux avérés de la vigne face aux changements climatiques. Puis nous dresserons un inventaire des leviers agronomiques à disposition du vigneron.

Les maux de la vigne en cas de forte chaleur

 

De manière générale il faut savoir que les raisins sont très sensibles aux changements de température. 

 

Côté bouche ?

 

Le soleil gorge les baies de sucre. Or, avec la hausse des températures, le taux de sucre augmente de même que le taux d’alcool qui en découle.

Le profil aromatique des vins est également perturbé : on constate notamment une diminution de l’acidité, et donc de la fraicheur en bouche.

 

Globalement, le couple soleil / chaleur participe à la maturation des raisins.

En cas de trop fortes chaleurs, cette dernière est bloquée, ce qui influe sur les facteurs tels que l’acidité, les tannins, le taux de sucre.

 

Et côté vignes ?

 

Pour faire face à ces changements, les dates des vendanges ne cessent d’être avancées. On parle de vendanges précoces.

 

Paradoxalement, le risque de détérioration des baies par le gel augmente aussi ; les hivers sont globalement plus doux, la vigne est très avancée dès le mois de mars, elle bourgeonne plus tôt, et est plus sensible en cas de gel.

 

Enfin, changement climatique ne signifie pas seulement hausse des températures mais aussi des épisodes pluvieux plus violents et moins répartis sur l’année (ou la saison). Ainsi, certaines régions doivent maintenant prendre en compte le stress hydrique comme une variable à part entière.

 

Quelles solutions les vignerons ont-ils pour s’adapter ?

 

Les solutions culturales, ou leviers agronomiques

 

Pour se prémunir du gel, le viticulteur peut revoir l’architecture de ses pieds. Relever la hauteur des pieds permet de gagner quelques degrés au niveau des bourgeons en cas de gelée, puisque le froid est plus important au sol. Heureusement l’île Saint Honorat est peu sujette au gel.

 

Un péril plus important est la canicule, qui engendre un stress hydrique. 

Face à cela, un des premiers leviers est la densité de plantation. En Champagne, la densité s’élève en moyenne à 8 000 pieds / hectare ; sur l’île, elle est un peu au-dessus de 4000 pieds / hectare. En faisant varier l’espacement entre les pieds, on joue sur un système racinaire plus ou moins dense et une réduction de la concurrence azotée et hydrique entre les ceps.

 

Deux solutions rapides à mettre également en place : 

-       Désherber les inter-rangs est une bonne solution afin que les mauvaises herbes ne viennent pas concurrencer les pieds de vignes.

-       Gérer l’enherbement des pieds de vignes pour drainer le sol et limiter l’érosion.

 

Il peut aussi être question d’irrigation, mais d’une part, elle n’est pas pérenne (accentuation de la pression sur les réserves hydriques là où l’eau devient une denrée rare) et elle gomme l’effet terroir et millésime. Cette solution n’a donc pas été retenue par l’Abbaye de Lérins.

 

En revanche, l’agroforesterie, c’est à dire l’implantation d’arbres dans ou autour des parcelles, parait prometteuse, à condition que les essences d’arbre qui procurent un ombrage ne viennent pas concurrencer trop fortement la vigne. Cette solution a également l’avantage d’augmenter la biodiversité dans la parcelle, et donc la résilience de l’écosystème.

 

Quid de l’effeuillage ? 

Plus une vigne à une surface foliaire exposée importante, plus elle va produire de sucre par la photosynthèse mais aussi transpirer en ouvrant ses stomates pour capter le CO2 et donc consommer de l’eau. Maintenir un feuillage rogné bas est une stratégie de diminution du besoin en eau. Il faut néanmoins garder à l’esprit que ce feuillage permet la maturité des raisins et que cette surface foliaire est en rapport à la charge en raisin. De plus, les feuilles protègent les fruits du soleil.

 

 

Le travail de l’œnologue

Le vigneron a à cœur de pérenniser l’équilibre de ses vins, apprécié par les amateurs.

Pour cela, face aux changements climatiques et ses conséquences sur le vin, l’œnologue a à sa disposition quelques outils.

 

L’utilisation de levures qui limitent la production d’alcool en est un. Il s’agit de levures qui consomment des sucres en créant de l’acide lactique plutôt que de l’alcool. Cela permet de faire évoluer l’équilibre vers un vin plus vif et léger.

 

Et plus généralement

 

Les vignerons peuvent aussi recourir à des cépages plus résistants. On parle d’amélioration variétale avec la recherche de cépages plus résistants à la sécheresse, avec des teneurs en sucre moindre, à maturité plus tardive, et avec des acidités plus prononcées.

 

Cela dit, quid des conditions de changement, dans le cas d’AOC notamment ? 

 

On note une prise de conscience de la part de l’ensemble de la filière : des vignerons aux institutions et le XXIème siècle sera marqué par des changements de cépages, et la recherche de nouvelles adéquations de cépage, de terroir et de climat.

 

 

En conclusion, l’homme est plein de ressources et les vignobles ont toujours évolué. Néanmoins, cette crise climatique sans précédent montre la nécessité d’une viticulture durable et avec un impact positif sur son environnement. La conversion en agriculture biologique de l’Abbaye, l’usage de technique innovante de lutte biologique contre certains ravageurs (confusion sexuel, diffusion d’insecte auxiliaire prédateur, etc) va dans ce sens et nous en sommes fiers.